The taste of tea
ou l'autre goût du saké !

Affiche du film en France
Affiche du film au Japon

 

 

Fiche de présentation :

www.eleves.ens.fr/home/bisson/films-a1.html.

 

Titre : « Cha no aji » littéralement « thé de goût »

Réalisateur : Katsuhito Ishii

Nombre de films diffusés en France antérieurement : Aucun (Shark skin man and peach hip girl en 1998 et Party 7 en 2000 ne sont encore jamais sortis en France)

Année : 2004

Durée : 2h23

Producteur japonais: Grasshoppa

Distributeur français : CTV International

Sortie au Japon : 2003

Sortie en France : le 20 avril 2005

Nombre de copies en France : 7

Nombre de salles à Paris au moment de la sortie du film : 10

Nombre de salles en France :

Nombre d’entrées : le 27 avril 2005 à Paris le film totalisé 6 186 entrées, soit 884 spectateurs en moyenne. Sur l'année 2005 le film a totalisé 23 028 entrées.

Festivals :

- Présenté à l’ouverture de la quinzaine des réalisateurs au festival de Cannes en mai 2004
- Film projeté dans le cadre du "festival AsiExpo" Paris du 10 au 20 novembre 2004
- Prix du jury jeune lors du "4e festival international du film fantastique de
Neuchâtel " du 29 juin au 4 juillet 2004.

 

 

 

A première vue :

 

« Extravagant, grotesque, fantaisiste, insolite, fantasmagorique, décalé »… Voilà un aperçu des adjectifs qui qualifient le plus souvent ce film. Les critiques retiennent surtout l’originalité souvent déstabilisante du film. L’humour est omniprésent, incontournable,rythmant la plupart des séquences sans que cela soit pour autant une addition de saynètes :

« L’humour, constamment présent, joue ici sur tous les registres, du comique de répétition avec le jeu de cache-cache entre le grand père et Sachiko, au comique de geste avec le tabassage du mangaka par sa jeune assistante, en passant par l’humour scato du conte d’Ayano [1] »

Une comédie pas tout a fait comme les autres. Originale, elle n’use pas des mêmes ressorts comiques employés par le cinéma français, voire européen ou américain. Un humour « à la japonaise » ! Les personnages sont à la fois « décalés » et justes. La fantaisie burlesque réside plus dans la gestuelle, les mimiques, les pantomimes des personnages que dans leurs propos. Une action à la fois subtile, travaillée et souvent inattendue. On est loin des cascades à la française ou des « bonnes phrases bien placées » du héros américain. Ici tout est spontané, émancipé, irréfléchi, léger, naturel…

 

"Taste of tea" www.ecranlarge.com/test-dvd-1162.php."Brice de nice"

Cependant, quand on voit la séquence musicale de la chanson Yama Yo [2], on n’est pas loin d’un certain sketch musical de Brice de Nice : Une chorégraphie, des paroles infantiles, puériles, un rythme basic, un costume… et un tub.

lib.verycd.com/2005/03/22/0000043181.html.

 

Le personnage du grand père est certainement le plus atypique, avec ses sourcils épais et légèrement obliques : il chante et danse avec son fils et n’hésite pas à prendre des poses farfelues pour rendre service à sa belle-fille dessinatrice : c’est un véritable personnage de manga et c’est justement ce rapprochement qui fait de lui sa particularité.

 

 

Trois références majeures :

 

Le manga :

 

Incontournable car très explicite dans le traitement de la mise en scène, des personnages, du scénario, des images….


Il y a d’une part les éléments types : le travail de la belle fille et d’un des oncles comme dessinateurs de manga, la rencontre inopinée avec des cosplayers [3] dans le train, l’animation vers la fin du film… D’autre part le scénario mêle allègrement la réalité à l’imagination, en incluant des évènements « surréalistes », matérialisés par des rencontres ou des comportements inattendus (ex : la jeune employée de l’oncle, revient le « passer à tabac » à la manière d’un catcheur). La fantaisie du manga vient, par petites brides, s’interposer dans la fiction !


Une technique liée au savoir-faire de Ishii, publicitaire et dessinateur de manga avant d’être cinéaste. Après avoir réalisé la séquence animée dans Kill Bill, vol. 1 de Quentin Tarantino, il conçoit ses films comme des mangas :

« je commence par le story-board, que je dessine comme s’il s’agissait d’un manga [4]»

 

 

 

La comparaison entre Ishii et Ozu est justifiée par plusieurs points communs : dans le traitement des images (le cadre), du temps (rythme lent), des impressions (nature omniprésente), des personnages (famille), de l’action (quotidien). Des similitudes qui ne sont pas forcément traitées de la même façon ou qui n’ont pas systématiquement la même signification.

 

La justesse du cadre :

 

Les deux hommes accordent une certaine importance au cadre d’une image filmique : Chez Ozu, le cadre sépare pour mieux rendre compte de la prégnance de chaque photogramme ; de là, naissent des entités indépendantes.

« Ozu confère un privilège unique au cadre, qui distancie et, en même temps, célèbre ce qu’il cadre [5]»

www.cinemastrikesback.com/index.php?p=400.

 

De plus, Ozu exalte le cadre pour mieux faire ressortir le temps et ne pas bouleverser les données de l’espace. Le cadre dicte l’action des personnages qui se meuvent par rapport à celui-ci et non l’inverse.

« chaque plan exige la justesse de son cadre, mais aussi de son temps»

Chez ishii, l’image est crée, délimitée à partir du cadre du strorybord. L’image ne vient pas se fondre dans la continuité du film, c’est le film qui vient révéler et expliquer chaque image.

« Ce qui m’intéresse, c’est le cadre, c’est sans doute lié au manga. Une vignette de manga, c’est juste une image. Un film c’est l’explication de cette image, une façon de le pousser plus loin. [6]»

 

 

Une nature proche des personnages :

 

Si la nature est très présente chez les deux cinéastes, elle n’est pas traitée et présentée de la même manière : Ozu utilise la nature pour ses fameux plans de coupe, appelés selon les auteurs : « natures-mortes », « plans vides », "pillow-shots", où un paysage vient s’intercaler entre les séquences en suspendant la diégèse du film.

Une "nature morte " tirée d'un film de Yasujiro Ozu www.artechock.de/film/reden/reuefi06.htm.

 

Parmi les nombreuses interprétations liées à ces plans, celle de Shiguheko HASUMI [7], semble se rapprocher le plus du traitement d’Ishii : Selon lui, les plans d’Ozu expriment une sensation, un sentiment ; ils créent une harmonie avec les choses environnantes et incitent le regard du spectateur à se porter sur quelque chose ou quelqu'un. Pour Ishii la nature est aussi très proche des personnages, une proximité qui a tendance à les apaiser et les faire rêver (le coucher de soleil à la fin du film, une maison à la campagne, la forêt….)

 

 

« La nature est ici au centre du film ainsi que la saison du printemps, reconnaissable aux fameux cerisiers en fleurs qui illuminent l’ouverture du récit. Loin d’être uniquement illustrative ou cliché, cette nature s’harmonise parfaitement avec l’intériorité des personnages, depuis la beauté verdoyante des rizières, ou un coucher de soleil soulignant la disparition paisible du grand-père… .[8] »

 

Pour reprendre les propos de Leonardo de la fuente : la nature, comme dans les films d’Ozu « symbolise les états d’âmes des personnages »(9). Ishii fait ressortir les sentiments des personnages à travers la nature. Sur cette photo, l’arbre est en parfaite communion avec l’état d’esprit du garçon : Au Japon, la courte floraison du cerisier en fait un symbole de la précarité, tandis que sa fleur symbolise la délicatesse de sentiment et la pureté de vie. Ce cerisier en fleur, entoure le jeune garçon comme pour mieux dévoiler son sentiment amoureux et éphémère pour une jeune fille.

 

The Heroine Osai  www.artelino.com/articles/kiyokata_kaburagi.asp.

 

Toutefois, si la nature sert de support, d’accompagnatrice aux sentiments et aux sensations, elle ne conditionne pas l’action des personnages; se sont les êtres qui donnent tout le relief aux images et non l’inverse. D’où une certaine atténuation des couleurs :

« Cette nature, le cinéaste nous la peint dans des couleurs douces, pastel, dans de longs plans séquences [10]»

Ishii ajoute à ce sujet :

« Ce que je crée graphiquement se rapproche moins du manga que de la peinture traditionnelle japonaise. Je pense beaucoup à Kaburagi Kiyokata, qui peignait souvent des personnages figés avec des couleurs atténuées. Ce sont des images très plates où les personnages sont très vivants. [11]»

 

 

Le rythme lent :

 

Si l’on attribut au film de Ishii un rythme plutôt lent dans certaine séquence, il n’est pourtant guère comparable avec la lenteur « ozuiène».

« Aussi si l’on peut y voir une lointaine parenté avec Ozu …c’est plutôt dans le rythme de certaines séquences, et le sens de l’observation des moments partagés en famille au rythme d’une tasse de thé. [12]»

Chez Ozu, le rythme est dans la continuité du film ; tous les éléments sont inhérents à ce tempo, venant créer un univers très dénudé et solennel. Pour en parler, Youssef Ishaghpour utilise cette métaphore :

« il faudrait plutôt évoquer la patience infinie de la mer, par temps de vent léger, et des vagues qui se succèdent indéfiniment, avec la même constance, sinon la même hauteur et la même vitesse » [13]

Chez Ishii, la lenteur de certains plans est ponctuelle, venant se briser contre des plans beaucoup plus dynamiques. Chaque plan acquière ainsi un tempo en fonction de son action.

 

Ce sentiment de lenteur, est certainement dû à la durée du film (2h23), qui est loin d’être celle de la moyenne occidentale. On trouve toujours actuellement cette allusion à la longueur des films japonais ! Une lenteur « typiquement japonaise » si l’on reprend les propos de Magny [14]. A cette époque les producteurs comme les distributeurs n’hésitaient pas à réduire la durée en remontant complètement les films et en mutilant la bande d’origine parfois de moitié ! Ainsi L’idiot de Kurosawa verra ses 4 heures réduites à 2 h 46 et Les 7 samouraïs a d’abord été exploité en 1955 dans une version tronquée d’ 1 h 45. Un autre procédé consistait à laisser « dormir » les bobines dans leurs boîtes pendant quelques années. (Vivre attendra prêt de 15 ans !) Si de nos jours ces procédés « barbares » semblent exceptionnels, un film qui dépasse les 2 heures n’en reste pas moins problématique pour une grande majorité de Français.

Pour la rédaction de Ouest France « the taste of tea » c’est « presque deux heures trente de récit. » ; mais pour certain internaute le film est une « excellente comédie japonaise qui souffre d’un seul gros défaut : la lenteur de l’histoire. Le film dure 2 h 23. Le réalisateur aurait réussi un petit chef-d’œuvre s’il l’avait réduit à 1 h 30. »[15]

En Occident le temps reste un signe d’ennui, caractérisé en partie par le proverbe « le temps c’est de l’argent ! » C’est surtout sur ce point que la différence culturelle agit et intervient dans la réception des spectateurs, lorsque les traditions interfèrent sur la lecture et la compréhension d’un film. Un compromis paraît difficilement réalisable, surtout quand la notion du temps est la même pour tout le monde. On retrouve le même obstacle face aux films indiens qui durent en moyenne trois heures.

Cette lenteur est d’autant plus perceptible que l’action se déroule au rythme des journées, des heures quotidiennes du thé. Un autre point commun avec Ozu, adepte lui aussi de ce temps journalier.

 

Le quotidien :

 

« le film suscita aussi la comparaison avec le cinéma d'Ozu, pour la subtilité des rapports humains, la chronique nostalgique.. »[16]

Ishii a choisit de présenter le quotidien d’une famille, tout comme Ozu s’est efforcé de le faire à travers ses films.

 

Film d'Ozu

www.791cine.com/.../taste_of_tea/taste.htm.

Noël Burch écrit à propos d’Ozu : « l’accent mit dans l’œuvre d’Ozu sur le quotidien, sur l’ici et maintenant, sur les gestes et les objets de chaque jour (et, entre autres objets, sur la bouilloire…), sur l’appréciation en connaisseur… de ce rituel du quotidien : ces traits sont manifestement apparentés au chanoyu » [17]

L’utilisation du terme « Chanoyu », littéralement « eau chaude pour le thé », pour décrire le quotidien d’Ozu, s’accordebien au choix du titre d’Ishii pour son film, ainsi qu’aux propos de Dimitri Ianni, quand il parle de rythme de tasse de thé. [18]

C’est ainsi que les évènements anodins du quotidien viennent rythmer le film d’Ishii, et faire grandir les personnages dans le but d’un certain accomplissement final. La mère arrive à achever son manga, l’oncle enregistre sa chanson, le garçon finit par avouer ses sentiments à la fille de ses rêves, la petite-fille parvient à réaliser son tour arrière… quant à la mort du grand-père, elle marque un passage, une remise à zéro des personnages qui devront à nouveau réussir d’autres performances quotidiennes. Cette mort fait également penser à Ozu, qui conclue souvent ses films par la mort d’un des patriarches ( Voyage à Tokyo…)

Chez les deux cinéastes, on retrouve cette importance du temps présent, où « le monde se révèle dans l’ici et maintenant, dans la singularité de chaque moment »[19]

 

La famille :

 

La première famille, celle qui représente le noyau initial et dans laquelle on naît et grandit, est un thème cher à Ozu ; si cher qu’il reste le thème principal de toutes ses œuvres.

 

« On ne trouve, dans ses films, ni l’histoire, ni la société, mais le domaine strictement privé, le noyau sacré de la vie des classes moyennes et de la vie traditionnelle japonaise : la famille »[20]

Ozu souhaite rendre compte de l’évolution des mentalités ou du nouveau comportement des mœurs de la jeunesse.. Dans Les gosses de Tokyo, le problème du respect et de la soumission sociale est déjà remis en question par la jeune génération qui doit se confronter à la rigidité et à l’intolérance des parents, dignes représentants d’un asservissement national. Dans Fin d’automne la jeune Ayako, poussée par les amis de son défunt père, attend cependant d’être amoureuse avant de se marier.

Ishii, quant à lui présente différentes générations vivant sous le même toit, sans qu’il soit question de rapport de force entre elles. Il montre au contraire une harmonie parfaite entre chaque membre. Chacun vit sa vie sans rendre de compte à l‘autre. Pour cela il rejoint le cinéaste Ozu en dévoilant le comportement et les soucis de chacun en rapport avec sa propre génération ( exemple : si Ayako dans Fin d’automne à l’âge de se marier, le jeune garçon dans le goût du thé a l’âge de tomber amoureux et de flirter ) Si aucun des personnages ne se donne la peine de raconter ce qui lui arrive, c’est dû à une affirmation du « Moi » intérieur, comme Ozu le préconisait dans ses derniers films.

 

La question du "zen" :

 

A l’époque de la sortie des films d’Ozu (fin des années 70) les critiques rapprochent (parfois de façon abusive) la mise en scène du cinéaste avec la philosophie Zen. Alors très en vogue à cette époque en France, cette philosophie sera incontestablement une référence culturelle pour la majorité des critiques et des auteurs lors de leur confrontation avec un film de Ozu :

Schrader, dans son ouvrage « Transcendantal style in film : Ozu, Bresson, Dreyer», approfondit le rapport qu’a Ozu avec la philosophie Zen en s’appuyant sur trois phases stylistiques : la célébration du quotidien, la disparité entre l’homme et sonenvironnement, et la « stase » où l’être ne fait plus qu’un avec la nature.

Donald Richie parle de « la philosophie de l’acceptation » pour décrire le comportement propre à tous les personnages figurant dans les films de Ozu; ce principe consiste simplement à accepter le monde tel qu’il est . Un état d’esprit proche du « mono no aware. » Ce terme traduit une forte impression produite par une petite chose, ou bien « l’acceptation tranquille d’un monde en transition, le plaisir innocent et éphémère goûté à l’activité quotidienne ou encore le contentement procuré par la précarité de sa propre existence. »[21]

 

"Voyage à Tokyo" de Yasujiro Ozu  1953 http://img16.exs.cx/img16/3887/monogatari6xf.jpg

http://profile.myspace.com/index.cfm?fuseaction=user.viewprofile&friendid=65524609

http://www.cinetudes.com/LE-GOUT-DU-THE-Cha-no-aji-The-Taste-of-Tea-de-Katsuhito-Ishii-2004_a132.html

 

Trente ans plus tard, le mot « zen » n’est apparu aucune fois dans les critiques que j’ai eu l’occasion de lire sur le film « the taste of tea ». La comparaison entre Ozu et Ishii paraît pourtant justifiée : longueur des plans, lenteur du rythme, natureomniprésente, et quotidien familial (des arguments typiquement « ozuien » si l’on reprend les critiques des années 70) ; mais cette fois on n’accorde plus la même valeur et ni la même interprétation à ces éléments.

Hier, guidés par leurs connaissances « superficielles », les Occidentaux ne voyaient dans ces éléments (longueur, rythme, immobilité, quotidienneté, répétition…) que les manifestations extérieures de la sagesse Zen. Un rapprochement assez schématisé, dans le sens où la pensée Zen était occidentalisée. La juxtaposition se faisait conformément à la façon dont les Occidentaux percevaient et comprenaient cette philosophie, très souvent limitée à une interprétation en surface.

Aujourd’hui, la connaissance du Zen est plus approfondie, et sa période « mode et découverte » s’est estompée. De plus les critiques s’adaptent et ne recherchent plus systématiquement une interprétation symbolique ou métaphoriques dans l’espoir de donner un sens aux images et à la mise en scène des cinéastes.

Désormais, le film est « trop dynamique » et pas assez calme, lent ou paisible pour être « zen », au sens occidental : les critiques ne voient plus, à travers ce genre d’images, que de la simplicité, des sensations et des sentiments, comme le revendiquaient Hasumi et Tessier à la fin des années 70.

 

http://www.masters-of-photography.com/W/wolleh/wolleh_magritte_full.html

 

Peintre le plus réaliste des surréalistes, on lui trouve des points communs avec le cinéaste Katsuhito Ishii au niveau du traitement de l’image et de sa fonction symbolique. La découverte de ce film n’a laissé aucun critique indifférent ; beaucoup sont subjugués et surpris par ce côté décalé, cet « univers à deux niveaux »[22] qui brouille les « limites entre le normal et l’anormal »[23].

« une fantaisie baroque, allant de Magritte à Astro Boy. »[24]

Avec cette première scène surréaliste qui se rapproche beaucoup de l’univers « magritien », Ishii montre, dès les premiers instants, sous quel signe son film va évoluer :

« Katsuhito Ishii se livre ici à de multiples expérimentations visuelles avec parfois beaucoup de bonheur, comme le plan symbolique du train (réceptacle des rêves) traversant le front de Hajime, qui évoque Magritte… »[25]

 

http://www.cinecultist.com/archives/cat_theatrical_releases.phpwww.uic.blogfa.com/8405.aspx.zata.free.fr/chronique.php?id=488.

 

La découverte de cette scène et de ce tableau est déconcertante. Nous nous heurtons à une confrontation entre le côté réel des images, la fiction et le symbolique C’est dans cette confusion que l’art de Magritte rejoint le plus celui de Ishii. Le cinéaste marie la réalité à l’imaginaire des personnages dans un même univers ; il ne prend pas la peine de créer une frontière entre les évènements intérieurs et extérieurs. A l’image de Magritte qui associe sans complexe ces deux mondes pour créer une autre réalité, une « sur-réalité » :

« Le fil conducteur de Magritte est la transgression de la logique rationaliste parce qu'elle limite notre perception du réel : il y a, au moins pour le poète, une réalité au-delà de celle que nous sommes convenus de définir, une réalité connexe, une "sur-réalité" qui contrecarre nos références visuelles et intellectuelles. » [26]

C’est pourquoi la seule explication rationnelle pour le spectateur se trouve dans sa liberté d'interprétation, à condition que celui-ci accepte d'évacuer ses rituels cartésiens.

Un autre exemple, moins flagrant, figure dans les scènes où la fillette voit son double géant. Magritte a lui aussi redimensionné ses objets et ses personnages, rompant ainsi la réalité géométrique.

« le film se soustrait aux lois de la gravité en même temps qu'il défie les règles de la profondeur. »[27]

 

René Magritte: L'art de vivre, 1967 www.eumed.net/cursecon/3/Racionalidad.htm.imhttp://www.kunstencentrumnetwerk.be/nl/film/taste-of-tea.htm

 

 

Des signes représentatifs du cinéma japonais :

 

Certains détails sont très représentatifs du cinéma japonais, se sont pour la plupart des éléments qui reviennent fréquemment dans les films, comme des leitmotivs propre à l’imaginaire nippon. Des « signes » que j’ai déjà eu l’occasion de relever lors de mes précédentes recherches, et qui se révèlent encore présents dans les films d’aujourd’hui.

 

Les plans longs ou plans séquences :

 

Souvent présents dans les films japonais, les plans séquences sont très prisés par la critique française. On retrouve souvent le même genre style d’interprétation : dans Les 47 rônins de Mizoguchi, ces plans séquences indiquent que le cinéaste souhaite prendre le temps d’installer son décor et ses personnages ; chez Ishii :

« A l’aide de plans occasionnellement longs… il laisse respirer ces êtres, accordant leurs vies au paysage environnant »[28]

A priori Ishii affectionne une certaine continuitédes plans, venant confirmer cette attention au temps du quotidien, au repos, à l’apaisement. Pourtant, ses séquences ne sont pas tournées en plan fixe ; bien au contraire Ishii a souhaité créer du mouvement, même imperceptible dans chacun de ses plans :

« Je me suis rendu compte qu’il y avait beaucoup de plan séquence. Et comme je n’aime pas la camera fixe… j’ai demandé à mon cameraman de bricoler un dispositif qui permette qu’elle bouge en permanence. J’ai réussi à obtenir ce tremblement si bien qu’il n’ y a aucun plan fixe dans le film. »[29]

Détruire toute fixité, car le temps ne s’arrête pas, ni les personnages qui sont sans cesse en attente de quelque chose :

« A partir du moment où l’image bouge, même par un mouvement minuscule, elle crée de l’attente »[30]

 


L’importance du rêve : de l’illusion, du fantasme, … de l’imagination.

 

Ishii fait surgir les rêves et les pensées des personnages en les concrétisant de manière visuelle par des effets spéciaux : Que ce soit le double géant de la petite fille ou le train qui surgit du front du garçon, … tous les personnages sont en partie envahis par leurs songes: la mère s’imagine les poses de ses héros de manga, le père projette ses patients dans un univers chimérique, …

 

www.cinemastrikesback.com/index.php?p=400.

Dans le cinéma japonais, le monde réel côtoie souvent le monde imaginaire avec parfois une telle aisance qu’il déroute l’esprit occidental, accoutumé à trouver ces deux univers scindés par des stratégies de montage (fondus enchaînés, flous…). C’est parce que la plupart des cinéastes japonais ne veulent pas démontrer une réalité mais la signifier, qu’ils refusent ces artifices traditionnels exempts de toute expression onirique à l’écran.
Mizoguchi s’en est le plus inspiré et Douchet avoue que chez lui,

«Le réel est perpétuellement double : la même image est à la fois l’illusion du réel et le réel. La vie apparaît à la fois comme un songe et comme une réalité contraignante; la réalité extérieure et la réalité intérieure sont toujours présentes dans la même image [31]

Le film qui illustre le mieux cette conviction n’est autre que le célèbre Contes de la lune vague après la pluie de Mizoguchi , où vivants et morts partagent la même image sans que l’on sache avec certitude si les scènes sont vécues ou rêvées.

 

Les fantômes :

Le récit de l’oncle sur le fantôme « yakusa » qui venait le hanter pendant son enfance, est très représentatif de cette tendance du cinéma japonais où les morts viennent souvent visiter les vivants. Très superstitieux sur ce phénomène, les Japonais (et à travers eux les réalisateurs) laissent une place aux morts à côté des vivants. Un thème qui a fréquemment inspiré la littérature et le théâtre avant d’être repris par le cinéma.

 

Kwaidan de Kobayashi, en est l’exemple le plus représentatif. Dans cette adaptation de quatre contes fantastiques chinois les plus populaires au Japon, les fantômes viennent hanter leurs assassins. Quant à L’empire de la passion, Gisaburo revient lui aussi hanter les soirées de ses deux assassins, son épouse et son rival, sous une forme humaine. On est loin des corps translucides ou recouverts d’un drap blanc. Ici l’âme errante est d’autant plus troublante qu’elle apparaît vivante et génère une confusion entre les deux mondes, surtout pour le spectateur occidental.

Dans le même registre, la forêt est également un élément très présent dans les films japonais. Souvent le symbole d’un lieu où l’on s’égare ou qui évoque une perte potentielle; un lieu qui devient vivant, comme « organique ».

 

 

Conclusion :

 

Chose exceptionnelle, aucune critique négative n’a été mentionnée concernant ce film : une unanimité presque déroutante, exprimée dans ces quelques phrases, relevées aux hasards des critiques :

« Ishii est la plus belle fleur que le cinéma japonais nous ait offerte depuis des lustres. »

« Une œuvre majeure »

« Une telle fantaisie est un trésor, par les temps qui courent »

« Tonique euphorisant »

« L’imaginaire est antidépressif »

« The Taste of Tea est un film qui donne sa raison d'être à tous les petits moments de la vie. »

« Chaque scène est un cadeau inattendu. »

« Un enivrant petit goût de saké dans un « thé » aux mille parfums. »

« Film-fleur qui pourrait, …contenir le monde dans chacun de ses pétales ».

« Le réalisateur capte un monde à part et procure autant de petits plaisirs qu'il existe de saveurs de thé. »

« Prévoir plusieurs tasses, le goût du thé est enivrant. »
« Un sens de la beauté »
« C'est du bonheur pendant plus de deux heures. »
« The Taste of Tea est assurément un bonheur au goût suave, à savourer d’urgence ! »

 

Sans oublier la critique de Libération qui glorifie et vante le film comme aucun autre :


« Que les choses soient claire s: l'article qui suit est totalement laudatif, absolument laudatif, entièrement laudatif. Pas l'ombre d'un reproche, pas un mot, pas une image, rien, tout est bon du début à la fin. Il faut dire que l'occasion s'y prête: The Taste of Tea, de Katsuhito Ishii. Film merveilleux, intelligent, étonnant, surprenant, parfait, emballant, 2 h 23, oui, 2 h 23 de bonheur (ce sont là des termes laudatifs, on vous avait prévenu) ».

Que dire de plus après ce florilège de compliments et d’enthousiasme collectif !!!

 

www.eleves.ens.fr/home/bisson/films-a1.html.

 

 

 

 

[1] Dimitri Ianni  http://www.sancho-asia.com/ Le 24 /11.2004

[2] Il existe un DVD japon (zone 2) de la vidéo de la chanson Yama Yo disponible chez Big Time Entertainment.

[3] Les cosplayers ou les cosplayeuses incarnent des personnages de jeu vidéo . Ils s’habillent et prennent les mêmes poses que leurs héros de jeu vidéo ou d’Anime ! Des cosplays sont organisés, comme le grand festival international de cosplay, ("WORLD COSPLAY SUMMIT") qui s'est déroulé le 12 octobre 2003 au Japon. En France, le phénomène « Cosplay » est arrivé à la fin des années 80. La première convention est née en 1993 à Toulon, il s’agit du Cartoonist. En 1996 on dénombrait 5 Conventions en France, en 2002 plus d’une douzaine.

[4] Cahiers du cinéma : rencontre avec Ishii, par Stéphane Delorme et Jean-Pierre Tessé à Cannes en mai 2004, p :42-43

[5] youssef Ishaghpour, formes de l’impermanence, le style de Yasujiro Ozu, éditions Yellow Now, 1994, p :18

[6] Cahiers du cinéma : rencontre avec Ishii, par Stéphane Delorme et Jean-Pierre Tessé à Cannes en mai 2004, p :42-

[7] Yasujiro Ozu, éditions les cahiers du cinéma

[8] Dimitri Ianni  http://www.sancho-asia.com/, 24/11/2004

[9] Leonardo de la Fuente, Cinéma, n°229, jan 1978, p :100-101

[10] Christiane Chemla Publié par Cinéma et Spiritualité Le lundi 2 mai 2005

[11] Cahiers du cinéma : rencontre avec Ishii, par Stéphane Delorme et Jean-Pierre Tessé à Cannes en mai 2004, p :42-

[12] Dimitri Ianni  http://www.sancho-asia.com/, 24/11/2004

[13] youssef Ishaghpour, formes de l’impermanence, le style de Yasujiro Ozu, éditions Yellow Now, 1994, p :24

[14] Magny, à propos de « Vivre », Cinéma, n°255, mars1980, p : 84-85

[15] http://www.fantastikasia.net/, : Wolverine

[16] Cécile Mury, Télérama n° 2884 - 23 avril 2005

[17] « Pour un observateur lointain », Gallimard, , 1982, p :191

[18] Dimitri Ianni  http://www.sancho-asia.com/, 24/11/2004

[19] youssef Ishaghpour, formes de l’impermanence, le style de Yasujiro Ozu, editions Yellow Now, 1994, p :21

[20] youssef Ishaghpour, formes de l’impermanence, le style de Yasujiro Ozu, editions Yellow Now, 1994, p :33

[21] Cahiers du cinéma, n°286, mars 78, p : 51

[22] Libération - Didier Peron

[23] Vincent Malausa Chronic'art.com

[24] Ciné Live - Xavier Leherpeur  

[25] Dimitri Ianni  http://www.sancho-asia.com/, 24/11/2004

[26] art-memoires.com/magritte

[27] Libération - Didier Peron

[28] Dimitri Ianni  http://www.sancho-asia.com/, 24/11/2004

[29] Cahiers du cinéma : rencontre avec Ishii, par Stéphane Delorme et Jean-Pierre Tessé à Cannes en mai 2004, p :42-43

[30] Cahiers du cinéma : rencontre avec Ishii, par Stéphane Delorme et Jean-Pierre Tessé à Cannes en mai 2004, p :42-43

[31] Douchet, « A bâtons rompus», Image et son, n°222, dec 1968, p :18-24

[32] L’express Le goût du bonheur par Eric Libiot (25/04/2005)