Au sujet du cinéma japonais

Sa chronologie  

 

Elle consiste à rechercher les étapes, qui ont fait du cinéma japonais, cet empire du septième art. Une mise en parallèle entre un monde imaginaire et un monde réel, entre la production cinématographique et les évènements qui ont frappé le pays. Dans le tableau historique de Billard [1], on constate que les compagnies de productions dépendent de la situation de la nation. Pendant la seconde guerre mondiale, le gouvernement réunit l’industrie cinématographique en un seul trust étatique, n’autorisant que les films exaltant et glorifiant la guerre. Après 1945, l’occupation américaine incite les producteurs à réaliser des films susceptibles d’aider à l’élaboration d’un Japon démocratique et pacifique. Toujours ballotté entre les décisions du pouvoir, contraint de se plier aux courants idéologiques du moment, le cinéma n’est pas maître de son industrie, il subit.
 
Esnaut choisit d’établir une chronologie du cinéma nippon par rapport aux évènements politiques du pays [2]. De 1853 à 1968, le cinéma japonais se veut le témoin des évènements secouant son pays : les coups d’état, les guerres, les affrontements, les tremblements de terre, les émeutes, les difficultés économiques, les grèves, la création de nouveaux  partis politiques, les bombes atomiques… Plusieurs films traitant du terrible tremblement de terre de 1923 ont été réalisés l’année suivant cette catastrophe. A en croire cette chronologie, le théâtre de la vie japonaise devient la première source d’inspiration des réalisateurs. Un constat qui ne doit pas être loin de la vérité si l’on en juge les paroles de Bousquet :

« Il n’est pas d’événement, si bénin soit-il, qui n’inspire de films, au même titre qu’il inspire des articles de journaux ou de magazines. [3] »

 

Son lexique

 

Le cinéma japonais s’accompagne de son vocabulaire ; souvent mal défini, il est pourtant fréquemment utilisé par la critique. A l’exemple des théâtres Nô et qui servent de références récurrentes dans des analyses qui baignent cependant trop souvent dans des explications nébuleuses. Connaître le lexique du septième art nippon permet aux adeptes du cinéma japonais, les « cinénipponphiles », comme les appelle Gauthier [4], de mettre un nom sur cet alcool de riz ou ce seigneur féodal à la tête d’un fief [5]. Inversement, c’est l’occasion de revoir ce qu’on appelle un « gendai-geki » ou un « Bunraku ». Il ne s’agit pas d’apprendre à parler japonais, mais de se familiariser avec sa culture.
 
 

Son histoire

 

D’où vient le cinéma japonais ?
Quel est son système de production, de diffusion, d’exploitation ?
Comment se déroule une séance de cinéma ?
Comment fonctionnent les studios ? …

 

Des questions qui interpellent les critiques au fur et à mesure des années ! Même 30 ans après Rashômon, ils se demandent encore quel cinéma les Ozu et les Mizoguchi ont trouvé à leurs débuts et quelles transformations ils ont pu accomplir [6] . L’intérêt en est évidemment historique mais aussi théorique. Il s’agit à travers ces recherches de reposer les questions du cinéma des origines.
 
Dans le premier dossier consacré au cinéma japonais [7], le but était d’abord de retracer toute son histoire, de sa naissance en 1896 jusqu’en 1955. Une étude inédite en France ! Certes le document est d’origine anglaise et avant lui, japonaise ; mais il retrace les événements  les plus  importants qui  ont fait du cinéma japonais  cet empire colossal. En complément, une documentation sur l’industrie cinématographique vient témoigner de son hégémonie. Le nombre de films produits en 1954, montre clairement la suprématie du Japon sur le reste des productions mondiales ( 370 longs métrages contre 214 aux Etats-Unis et 75 en France). Quant au nombre de films importés, il dénonce l’autarcie de sa production. Le Japon est le pays qui importe le moins de films (188 en 1953, contre 338 en France)

Cette étude recherche d’autre part quelle notoriété rencontrent au Japon, les films les plus connus en France. Selon le palmarès de la critique japonaise, on se rend compte que les films célébrés dans les festivals européens sont déjà très bien classés chez eux. (Rashômon s’octroie la  5ème place en 1950, Vivre la première en 1952, Les contes de la lune vague est en troisième position en 1953,  Les vingt quatre prunelles arrive en tête en 1954, suivi des Sept samouraïs, des Amants crucifiés et de L’intendant Sansho.)

 

Une première approche, à laquelle viendra s’ajouter d’autres renseignements,
comme cette « lettre du japon [8] » qui relate la programmation d’une salle de cinéma ;
ou ce texte de Noël Burch sur le rôle du « Benshi [9]» ;
ou encore cet article de Bellieni sur le « cinéma militant au Japon [10]».

Des esquisses qui permettent petit à petit de reconstituer le puzzle du cinéma japonais.
Comprendre le pourquoi et le comment de l’origine des films.
Situer le contexte de chaque réalisation afin de mieux comprendre le film en lui-même.

 


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[1] Cinéma, n°6, juin-juill 1955, p :93-95
[2] Esnault, « petite chronologie du cinéma japonais »  Image et son, n°225, fev 1969 p :60-72
[3]« Lettre du Japon », Positif, n°40, juillet 1961, p :78-80
[4] Gauthier, « lexique de quelques termes utiles au cinénipponphile » Image et son ,n°225, fev 1969, p :73-75

[5] Le « Saké » et un « Daimyô »
[6]« remparts de la tradition »,Cahiers du cinéma, n°309, mars 1981, p :15
[7] Cinéma, n°6, juin-juill 1955
[8] Bousquet, Positif, juill 1961, n°40, p :78-80
[9]« Un commentateur présent dans la salle pour accompagner le film d’explications orales .», extrait du livre « to the distant observes » publié en 1979 à Scolar Press, Londre, traduit dans les Cahiers du cinéma, n°309, mars 1981, p :15-21 
[10]« Cinéma militant au Japon »,Cinéma, n°151, dec 1970, p :116-117