Selon la critique française, la couleur n’a pas une valeur factice de simple ornement. Son rôle ne consiste pas seulement à satisfaire le plaisir des yeux comme un tableau, mais elle doit cumuler beauté, esthétique et subtilité dramatique. Avant même que la critique ne voit les premiers films japonais en couleur, elle parlait déjà des divins contrastes noirs et blancs et de leur remarquable utilisation. Depuis les superlatifs ne se sont jamais taris.
L’enthousiasme demeure croissant devant ces bouquets flamboyants, ces couleurs lumineuses ou pâles, toujours utilisées avec un certain tact, une délicatesse et une justesse qui apparaissent comme un deuxième langage, une deuxième vérité. Certains observateurs, comme Cocteau, prétendent qu’il s’agirait des mêmes couleurs que la peinture classique japonaise[2]; mais comment savoir si cette ingéniosité et cette recherche sont dues davantage aux peintres, aux éclairagistes ou aux réalisateurs ? La question reste ouverte... mais le problème semble insoluble !
La couleur est synonyme de beauté, contrastes, diversité, luminosité et vie… Sadoul ne reste pas indifférent à la beauté plastique du Héron blanc qu’il compare à un « Georges Braque en kimono [3]», Kinugasa est même considéré comme un des plus subtils aquarellistes japonais ; dans La porte de l’enfer il s’était déjà fait remarquer par la splendeur des couleurs qui se dégageaient et illuminaient le film.
Certaines couleurs peuvent aussi avoir une signification et une approche philosophique très spécifiques. Le hasard n’est pas de mise lorsqu’elles s’immiscent dans certains films noirs et blancs en suivant des intentions très « formelles ». Dans Le journal du voleur de Shinjuku, l’emploi de la couleur vient rompre la tonalité du noir et blanc à des moments précis, pour poétiser ou dramatiser les séquences[4]. Inversement Oshima en fait une utilisation plus expérimentale dans son film Le petit garçon, où par l’intermédiaire de fondus enchaînés, il passe de la couleur au noir et blanc pour suggérer la rêverie du garçon[5].
Dans les films d’époque, les cinéastes jouent beaucoup sur la couleur, pour mettre en évidence la richesse et la beauté des toilettes et des paysages. L’harmonie des couleurs est très ancrée dans la tradition japonaise.
Le souci de l’élégance dans le choix des costumes est directement lié à l’art de la superposition et de la concordance des coloris. A l’image des geishas dont les épaisseurs successives de kimonos rivalisent de finesse: motifs, tons, broderies, parures, finitions… tout est merveilleusement assorti.
Les paysages révèlent déjà « une beauté de carte postale»: nature, végétation, jardins, cerisiers en fleurs, Ikebana [6]…