Entretiens avec des acteurs japonais

 

 

Les acteurs sont rarement soumis à un entretien. Souvent jugés comme étant le jouet du réalisateur, ils ne sont qu’un maillon dans l’élaboration du film. A travers eux, on vise plutôt le réalisateur ou un problème épineux concernant le film. Entre 1950 et 1980, seul deux entretiens ont été retranscrit parmi les six revues de cinéma étudiées. Des entrevues effectuées à la fin des années 70, quand les artsistes commencent à faire le déplacement dans les festivals européens.

 

 

Quand les critiques  s’entretiennent avec Tatsuya Nakadai [1], le double héros de Kagemusha, ils espèrent surtout avoir l’occasion de découvrir les méthodes de travail de Kurosawa. Comment dirige-t-il les acteurs, quelle est sa façon de filmer, jusqu’où va son côté perfectionniste, où se trouve-t-il et quel est son comportement artistique lors d’un tournage… ? Les réponses de Nakadai vont dans le sens de la légende. L’empereur à bien mérité son nom : exigeant, obstiné, têtu, autoritaire, sont les qualificatifs qui en ressortent :

«Il est très expansif sur le tournage, il crie, il engueule les acteurs, et quand il a obtenu ce qu’il veut d’eux il vient leur serrer la main. [2]»

Le problème des répétitions qui peuvent durer deux ou trois jours pour une scène a déjà été mentionné. Kurosawa finit toujours par obtenir ce qu’il veut des acteurs, seuls les chevaux lui résistent encore[3] !

 

Dans l’entretien avec Aoi Nakajima [4], actrice du film L’empire des sens, les critiques ne visent plus le réalisateur Oshima, mais le problème de la sexualité dans le cinéma japonais. Accoutumée à jouer dans des « romans-pornos », Tessier souhaite connaître de l'actrice son opinion sur le film d’Oshima, jugé plus « hard » qu’un film pornographique pour sa mise à nu volontaire du sexe. Selon la comédienne, il est un peu ridicule de mettre des caches ou de couper les scènes dites sexuelles, mais cela est devenu une sorte de tradition au Japon. Les spectateurs nippons ont pris l’habitude d’occulter l’image du sexe, alors comment savoir si les images d’Oshima leur paraissent plus érotiques qu’un sexe brouillé ou suggéré … cela reste à démontrer !

Ces entretiens donnent un nouvel aperçu de ces  protagonistes  du cinéma japonais.
Des cinéastes qui se révèlent discrets, décidés à réaliser leurs films selon leurs désirs,
leurs inspirations en abordant sans contrainte leurs sujets de prédilection.
Pour cela ils mettent en avant leurs difficultés financières, la fragilité de leurs statuts,
leurs résignations, leurs exigences et leur volonté de tout mettre en œuvre pour aboutir à la réussite de leur projet. 

 

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[1] Propos recueillis à Cannes les 15 et 16 mai 1980 par Max Tessier, Revue du cinéma, n°354, oct 1980 p :79-84
[2] Le Péron et Tesson, « l’acteur et son double», Cahiers du cinéma, n°316,  oct 1980
[3] Dans l’interview avec Tessier, Nakadai avoue qu’une seule séquence n’a pu être tournée :  un cheval devait traverser un  rideau, mais devant son refus catégorique, Kurosawa dû renoncer à cette scène.
[4] Propos recueillis à Paris le 17 mars 1976 et traduits par Tessier, Ecran, n°48, juin 1976, p :43-44