OZU et ses auteurs

Ils sont au nombre de 8,

8 auteurs internationaux qui ont consacré un livre, un chapitre, quelques lignes ...sur le cinéaste OZU.
8 analyses, point de vues, interprétations du style « Ozuien » entre 1974 et 2005.
8 études qui furent traduites en français, avec parfois un décalage de 15 ans par rapport à l'édition originale ...

A la lumiere d'un tableau, j'ai voulu mettre en évidence ces 8 approches; parfois similaires, d'autre fois contradictoires, Ozu semble rester le cinéaste de l'impermanence, au sens où la lecture de ses oeuvres évolue, se transforme avec le temps et l'espace. Selon l'année ou la nationalité de l'auteur, Ozu n'est pas lu de la même façon.

A partir de certains faits, tirées de témoignages, textes du cinéaste…, mais surtout en s’appuyant sur une grande partie des films d’Ozu ; les auteurs vont tenter de donner leurs opinions et leurs déductions personnelles. Ces travaux éclairent les œuvres du cinéaste et le cinéaste lui-même, mais ils restent la production déductive et exclusive d’un lecteur.

 

«L’écrivain démembre ce que le cinéaste a péniblement assemblé,
met à jour la structure qu’il a soigneusement voilée.
Le «travail» du film nous échappe,
son effet ne peut se mimer,
il ne peut qu’être disséqué et désorganisé.
[1]»

 

Donald RICHIE

L’auteur à vécu au Japon pendant plus de 30 ans, ami d’Ozu, il est l’un des meilleurs connaisseurs du cinéma japonais. Son approche est basée sur de nombreux témoignages (équipes techniques, critiques,… ), des entretiens et écrits d’Ozu, des livres, revues et articles consacrés à Ozu dans le monde, des discographies, des dessins et aquarelles d’Ozu. Son analyse est très complète, il s’efforce de cerner au plus prés les techniques et l’esthétique qui composent les œuvres d’Ozu. Trouver le fil directeur qui  va aider à mieux comprendre, interpréter, appréhendé et saisir les films dans leur dimension spirituelle. Il a contribué à imposer Ozu comme grand cinéaste, alors qu’il passait pour hermétique aux yeux des occidentaux.

 

Noël BURCH

Son approche est entièrement basée par rapport à la culture et à la façon de penser des japonais. Dans la manière dont Ozu filme, cadre, monte, … Burch trouve un écho « japonais ».

 

Gilles DELEUZE

Philosophe, chargé de recherche au CNRS, professeur à l'université de Lyon et de Paris-Vincennes; Deleuze consacre quelques pages au cinéaste dans son ouvrage cinématographique "l'image-temps".

 

Youssef ISHGHPOUR

Cet auteur né en Iran en 1940, vit à Paris depuis 1958 où il fait des études de philosophie.

 

 

Shiguéhiko HASUMI

Philosophe, essayiste, enseignant, spécialiste de littérature française et critique japonais, Hasumi tente d’expliquer le phénomène esthétique que représente le cinéma d’Ozu, en analysant la totalité de ces œuvres (scénarios, technique, principes de tournage, montage) avec des approches historiques, psychologiques, sémantiques. Cette étude dévoile les liens qui relient le cinéastes japonais au cinéma classique hollywoodien et à la nouvelle vague française.

 

 

Kiju YOSHIDA

Cinéaste, metteur en scene de théatre et d'opéra, auteur de critique; Yoshida revient sur le parcours, le style et l'esprit d'ozu dont il fut l'assistant. ..........................sa façon de faire de "l'anti-cinéma"

 

 

Antoine COPPOLA

Enseignat-chercheur, cinéaste; Coppola consacre deux pages sur la question de la représentaion directe du temps dans les films d'Ozu

 

 

 

Basile DOGANIS

Normalien, agrégé de philosophie; Doganis tente à travers des problématiques esthétiques, d'adopter une démarche philosophique sur la figure du silence dans les films d'Ozu.

 

 
.

 

Donald
RICHIE


Noel
BURCH

Gilles DELEUZE

Shiguheko HASUMI

Youssef ISHAGHPOUR

Kiju YOSHIDA

Antoine COPPOLA

Basile DOGANIS

Titre

Ozu

Pour un observateur lointain

 

L'image-temps

 

Yasujiro Ozu

Formes de l’impermanence, le style de Yasujiro Ozu

Ozu ou l'anti-cinéma

le cinéma asiatique

Le silence dans le cinéma d'ozu

Dâte Edition
Pays d'origine
1974 aux Etats-Unis
1979 en Angleterre
1985 en France
1983 au Japon
1994 en France
France
1998 au Japon
2004 en France
2005 en France

France

1980
1982
1985
1998
1994
2004
2004
2005
But de l'ouvrage
Démontrer que Ozu est le cinéaste le plus japonais
Discerner et expliquer les méthodes de Ozu, par rapport à la culture japonaise
Démontrer que Ozu est bien le premier qui a rendu visible et sonore le temps
Expliquer le phénomène esthétique du cinéma de Ozu suivant différentes approches
Explorer les formes de l'impermanence dans le style de Ozu
 
Comprendre comment Ozu figure le temps
 
Plan du livre
Méthodes de scénario, tournage et montage
.
 
Dégager les spécificités techniques et thématiques récurrentes dans les films de Ozu.
14 parties pour 14 formes d'impermanence
 
Pages consacrées à une des représentations de la durée dans les films asiatiques
 

L
E

S
T
Y
L
E

O
Z
U

Construction du récit
   
Forme-bal(l)ade, voyage, course, excursion, trajet, escapade... mais l'objet, c'est la banalité quotidienne appréhendée comme vie de famille
     
Un quotidien constitué de faits d'intensités apparemment équivalentes. "Le quotidien se temporalise de façon aléatoire, selon la temporalité propre de chacun." (p: 105)
 

Travellings latéraux
A l'inverse de Godard, absence de discours. Ouverture sur l'infini
Ils ne sont pas descriptifs mais une articulation structurante
Ce sont des "blocs de mouvement" lent et bas
.
.
 
"ces mouvements absorbent les mouvements des personnages pour nier le mouvement du nmonde et inclure les personnages dans la grande lenteur du temps" (p: 104)
 
Faux raccord regard
et frontalité
Car chaque plan est une entité. Les personnages se comportent comme des hôtes, comme s'ils participaient à une cérémonie
Le spectateur est inclus dans la diégèse, il sert de "relais" entre deux raccords
déconnexion

- Il y a une disparition de lien causal entre le regard et son objet, car le plus important est le fait de voir

- Pour mettre en évidence le manque de naturel du cinéma

Le regard n’instaure pas mais accueille ce qui se montre soi-même, il est lui-même situé dans l’ouvert du monde. Le monde se révèle dans l’ici et le maintenant,  dans la singularité de chaque moment
 

- personnages s'adressent à la caméra car il s'agit avant tout d'histoires de personnages

- une mise à distance du processus d'illusion et d'absorption fictionnelle qui a tendance à accroitre l'intimité du public avec le personnage

 
Plans de coupe
Nom attribué

"natures mortes" "plans vides

"pillow-shots"
une "image-temps" directe
.
"plans vides"
"vides interstitiels
 
"images-vides"
 
Origine
.

Poésie japonaise

pensée chinoise et japonaise
.
Haikus
 
un temps de l'inanimé
 
But
Purement formelle, parfois psychologique, ils attirent l'attention du spectateur et servent d’ellipse


Suspendre la diégèse et présenter ce qui va précéder

Ces plans renforcent l'idée du cinéaste comme quoi tout est ordinaire et régulier, tout est quotidien !

Ce sont des interieures vidés de leurs occupants, autonomes, "qui atteignent l'absolu, comme contemplationpure et assuent immédiatemnt l'identité du mental et du physique, du réel et de l'imaginaire, du sujet et de l'objet, du monde et du moi."

"Sert" à exprimer une sensation, un sentiment, inciter le regard sur quelque chose ou quelqu'un. Créer une harmonie avec les choses environnantes
Chaque plan va acquérir une liberté en tant que moment, comme les mots dans les poèmes. Ces plans deviennent une discontinuité, un passage de temps
 

Ozu étourne le "plan de coupe", et utilise des objets, éléments du décor...dans un interet graphique qui rompt le flux informatif de la diégèse.

Ces images sont des univers construits à part entiere dont les objets et les compositions sont porteurs d'intertextualité (souvenirs, rites, references sociales et culturelles

Ces micro-compositions isolées modifient notre perception entre ce qui s'est passé et ce qui va se passer. Elles dedoublent le temps du récit, constituent une strate temporelle et figurative parallèle.

 
Position de la caméra au ras du sol
.
Facteur d'aplatissement de l'image
 
.
Démontre une objectivité car cette position n’est le point de vue de personne
     
Rythme et longueur des scènes
Marque un respect de Ozu envers la forme artistique et ses personnages
.
 
Une immobilité seulement en apparence : "Sous son aspect immobile se cachent mille mouvements

Sérénité parfaite de la contemplation, compréhension et acceptation de toutes choses.
     
Figuration directe du temps
   

Le temps c'est le plein, là où se passe tous les changements

     
représenter plus totalement le réel
 
Cadrage fixe
Renforcer l'action et diriger l'attention du spectateur
.
Parce que le cinéma impose aux cinéastes seulement trois types de prise de vue (travelling, panoramique et plan fixe), Ozu veut mettre en évidence ces limites en n’en choisissant qu’un.
On n’entre pas dans l’espace de l’événement, ouvert, offert au regard, à la contemplation extérieure
  une désintensification de l'espace  
montage-cut
   
Une modernité qui témoigne d'une absence d'intrigue au profit d'une image purement visuelle et sonore.
         
"faux" raccords de regards
            institue une temporalité propre aux personnages : l'homme tel qu'il est  
Couleur
           
rare et délavée, elle est la matérialisation du vide
 

Composition horizontale
Suggère un état de connaissance, d'assouvissement et de sérénité
.
 
     
Influence Zen
Sa proximité

Proche du terme "mono no aware"

.
.
Proche du "ma"
     
Sa manifestation
Ozu fait parler ses personnages sans rancœur, sans amertume, sans qu’il exprime de dépit devant tous ses espoirs anéantis
.
Chez Ozu tout est ordianire ou banal, il n'y a pas de temps fort ou faibles (comme le pense Schrader)
.
Ozu privilégie une vision sans commentaire où l’esprit renonce à posséder ou anéantir ce qu’il voit
 

 

 
Sa création

Donne de l'importance au moment présent
Ozu exclut toute réaction personnelle à une situation. On vit dans un état de béatitude esthétique, détachement et compassion, acceptation patiente  de ce qui vient et comme cela vient
     
Messages véhiculés dans les films
«L’on est plus heureux si l’on parvient à vivre avec ses propres imperfections et celles des autres; il est plus sage de reconnaître sa simple humanité et de s’y conformer»
.
"la vie est simple, et l'homme ne cesse de la compliquer en agitant l'eau dormante"
.
La compréhension de l’impermanence des choses et de soi, accepter la vie humaine fondée sur des sacrifices
     
Modernité
.
.
Le premier qui développa une oeuvre avec des situations optiques et sonores pures. il est l'inventeur des "opsines" et des "sonsignes"
Si Ozu est moderne et novateur, c’est parce que le cinéaste révèle les limites de la forme d’expression appelée cinéma, au point où son œuvre cesse parfois d'être du cinéma
Le monde est réduit à ce que l’on voit, il ne reste plus que l’acte qui pose cela, le montre, pour le faire voir en tant que pure forme.
 
Si le souci du temps dans les representaions du réel appartient à l'art picturale asiatique depuis plusieurs siècles, Ozu a fait le choix de le représenter par l'intermédaire de ses "plans-vides"
 
Conclusion
Ozu est le cinéaste le plus traditionnel de tous les cinéastes japonais par sa méthode de construction élémentaire et spirituelle

Un cinéaste trop "japonais" pour être compris des occidentaux
L'image-action et l'image-mouvement disparaissent au profit de situations optiques pures directement liées au temps et à la pensée. Ozu tente de rendre sensible le temps, la pensée
"Ozu est un des réalisateurs les plus libres de l’histoire du cinéma".
Un cinéaste universel
 
Un cinéaste qui a été le porte-parole d'un souci contextuel japonais sur la figuration directe du temps
 

[1] Donald Richie, p :181