Qu’ est ce que l’exotisme ?

 

Peinture de Cathy Bechennec

De nos jours, certains griefs tournent encore autour de l’exotisme. Souvent tenu pour la simple surface colorée de l’ailleurs, cette attention aux apparences est souvent déclarée factice. 

L'exotisme est à la fois le caractère de ce qui nous est étranger et le goût de tout ce qui possède un tel caractère. Tel est le sens du latin "exoticus". Mais ce terme a connu une évolution au fil du temps. A la fin du 16ème et au début du 17ème siècle  ce mot a une valeur plutôt objective (étranger) et impressive (étrange). Mais au 19ème siècle, l’exotisme ne représente plus vraiment l’étranger mais surtout les aspects surprenants, divertissants de  celui-ci. La différence n’est plus recherchée que dans ses allures amusantes : ce sont des « japonaiseries » ou des « chinoiseries »…. L’exotisme renvoie à l’idée de divertissement, comme une tentative illusoire de fuir la réalité. Auparavant, cette recherche et ce goût de la différence étaient présents  dans toutes les cultures inexplorées.

A l’heure actuelle, elle se limite beaucoup plus à l’Orient, continent encore propice à l’imaginaire et à l’évasion pour l’esprit occidental.  Plus le pays est loin, plus il favorise les élans chimériques. Même si les pays comme le Japon se sont occidentalisés dès la fin du 19ème siècle, ils ont toujours su mettre en valeur et garder leur culture ancestrale. 

 

Que recherche-t-on à travers l’exotisme ?

 

Selon Etienne Souriau [1], il y a deux propositions : 

On peut d’une part s’intéresser au caractère authentique en se servant de l’exotisme comme une sorte de documentation sérieuse sur le pays.

D’autre part, on peut préconiser l’évasion, l’étrangeté. Tous les hommes éprouvent un jour le désir de partir, de découvrir une autre civilisation. L’exotisme devient une quête où l’étranger recherche un ailleurs idéal, aventureux, un ailleurs synonyme de conquêtes rêvées ou réelles. C’est pourquoi les sentiments qui émanent du spectateur, au contact de l’exotisme, ne se limitent pas à une curiosité futile ; l’exotisme répond à un besoin profond, presque indispensable… Il devient un enrichissement de la personnalité par la connaissance de l’autre. L’exotisme c’est…

«L’ensemble des sentiments et des émotions que nous ressentons au contact des pays étrangers et des âmes étrangères, et non point seulement une curiosité amusée ou admirative, pour des spectacles nouveaux, une végétation inconnue et des mœurs différentes des nôtres…(c’est) Un désir éternel d’échapper à son temps, à la civilisation qui nous entoure, de changer de milieu… [2]»
 
On condamne trop souvent l’exotisme à une façade décorative destinée à éblouir, un paravent joliment décoré qui sert de passeport à l’évasion ; pourtant l’exotisme n’existe pas en soi, il fait partie du mode de réception. Chaque peuple, chaque continent ou  culture a ses propres exigences exotiques. Les « japonaiseries » ne sont qu’une image, une représentation réceptive des spectateurs européens (occidentaux).

Peinture de Cathy Bechennec

Quand Roland Barthes [3]  distingue deux manières de figurer l’étranger, c’est aussi deux manières de rendre compte des images étrangères :

La figuration paradoxale qui renvoie à une différence active et hédoniste, à une rencontre avec l’inouï, l’inconnu, qui nous aide à découvrir notre propre extranéité. On prend conscience que notre culture n’est pas la seule au monde et que l’on peut prendre plaisir et tirer profit de la contemplation d’autres horizons.

La figuration endoxale, renvoyant à l’opinion publique, à la « féerie bourgeoise » comme l’appelle Sartre, où le réel est dévoré par l’imaginaire standardisé. Cette dernière favorise des stéréotypes, des associations figées d’une communauté étrangère. Elle va donner, à travers des représentations, une idée caricaturale et simpliste de l’Autre. Sorte d’imaginaire collectif qui peut s’étoffer au fil des époques et des découvertes,  mais qui ne connaîtra jamais un bouleversement, un changement radical de l’opinion.


 «Ces clichés et stéréotypes culturels organisent le texte exotique… Réduisant les mondes lointains par schématisation et généralisation, ils permettent la création, ou plutôt la fabrication, d’un monde à la fois dépaysant et connu, reposant sur le principe d’une distance mimée, artificielle, qui renvoie à une série familière de conventions. [4]»
 

 

Ce modèle de figuration de l’étranger en littérature peut se transposer au cinéma, dans le sens où l’écriture devient la lecture d’un film. On peut alors se demander sur quels modes de lecture, les spectateurs français ont lu et interprété l’exotisme cinématographique japonais ! Ont-ils été influencés par un quelconque imaginaire collectif ?

Dans le livre de Laurence Alfonsi, Lectures asiatiques de l’œuvre de François Truffaut [5] , l’auteur explique le succès du film La chambre verte par la proximité de son sujet avec la culture japonaise, notamment sur le culte des ancêtres. Il existe donc bien de réelles possibilités d’orienter l’intérêt du spectateur vers ce qu’il connaît et apprécie le mieux. Il reste à déterminer  ce que les Français connaissaient du Japon, l’image qu’ils avaient de ce peuple et de sa culture avant la découverte de leurs productions cinématographiques.
 

 

 

 

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[1] Vocabulaire de l’esthétique, P.U. F, 1990
[2] Chinard, L’exotisme américain dans l’œuvre de Chateaubriand, Hachette, 1918, p :V-VI
[3] Cité par A. Khatibi dans Figures de l’étranger, Denoël, 1987, p :64
[4] Moura, Lire l’exotisme, Dunod, Paris, 1992, p : 106
[5] L’harmattan, 2000