Cinéma sans frontières

 

 

« C’est le suprême de l’art que la reconstruction
d’une réalité universelle à partir d’une abstraction.[1] »

 


Il y a des histoires qui ressemblent aux autres, il y a des significations qui n’ont pas de frontière, il y a des idées qui sont universelles.La différence des civilisations, n’est qu’un leurre et l’exotisme un trompe l’œil ; les maux d’une société trouvent toujours un écho àl’étranger, sous une autre apparence. Ainsi, le rônin rejoint le mercenaire, tributaire de certaines règles et de certains dogmes intangibles ;  les histoires d’empereur, sont celles des rois ; les vicissitudes des impératrices, celles des reines ou des princesses.

Les personnages restent les mêmes et jouent souvent la même pièce avec des costumes et des décors différents. Les livres d’histoires français et japonais retracent les mêmes intrigues amoureuses, complots, luttes pour le pouvoir, humanisme, cruauté…. Rashômon en est  une preuve ; si le film de Kurosawa est le reflet de très anciennes traditions, les problèmes moraux qu’il soulève sont universels, de tous les temps et de tous les pays.  Les films partent d’une spécificité, celle du japon,  pour s’étendre à l’universel dans leurs messages ; dans ce cas, nous dit Bazin, il est « nul besoin de traduction mentale d’un mode de culture à un autre pour lire clairement tout à la fois l’inspiration particulière et la signification générale. [2]»


Rashômon

Une volonté qui se retrouve chez les plus grands auteurs:

 


DansUne petite sœur pour l’été, Oshima incruste ses personnages dans une réalité historique précise et limitée, pour  atteindre ainsi une signification générale et fondamentale.

Mizoguchi laisse à travers ses films une vision du monde qui se rapproche de l’universalité. Ce qu’il veut nous enseigner, malgré les différences de races, de civilisations et de mœurs, concerne tout le monde. Comme le rappelle Douchet, « il ne nous impose pas une vision préfabriquée du monde. Simplement il nous apprend à voir et à nous voir[3]. »

Le petit monde de Kurosawa « à y regarder de plus près ressemble tragiquement au nôtre[4] », écrit Passek. Le cinéaste parle d’une vérité planétaire à travers toutes ses œuvres ; qu’il soit légendaire ou contemporain, son cinéma ne tente nullement d’approfondir ses racines japonaises ; au contraire, selon Chevallier  «  il tend à une sorte d’universalité et l’on a  même pu parler de cosmopolitisme de son auteur[5]»

Que penser de Ozu, de ses sujets si bien empreints de culture japonaise, de ses personnages dont la vie est dictée par des habitudes et des idées étrangères ? … Il semble bien difficile de trouver un réseau de correspondances entre les deux continents ! Pour Durand, c’est justement parce que Ozu demeure l’homme qui incarne une culture spécifique, qu’il atteint l’universalité [6]. Le cinéaste de la vie quotidienne du Japon, serait-il le cinéaste de la vie universelle ? 

 

            Par son universalité le cinéma japonais concerne tout le monde,
tous les pays, quelle que soit l’époque.
A la fois spécifique et originale, c’est une nouvelle façon de traiter l’universel par le traditionnel. 

 


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[1] Douchet, « A bâtons rompus »,Image et son, n°222, p :23
[2] Bazin à propos du film Vivre, Cahiers du cinéma, n°69, mars 1957, p :36-37
[3] Douchet, « La connaissance totale », Cahiers du cinéma, n°114, dec 1960, p :55-57
[4] A propos de  Dodes’ kaden , Cinéma, n°193,dec 1974, p :108-110
[5] Chevallier, Revue du cinéma, n°272, mai 1973, p :105-107
[6] « Ozu à Rennes », Revue du cinéma, n°338, avr 1979, p :23-25