Psychologie et symbolisme

 

 

Le critique a tendance à valider son analyse par une approche psychologique. Il s’interroge sur le message du film : ce qu’a voulu communiquer le cinéaste à travers son histoire, ses images, ses personnages, son décor… Une série de questions qui est un gage de la qualité du film.
A l’inverse des films de pur divertissement qui peuvent éluder toutes recherches intellectuelles, le cinéma d’auteur comme l’entend la critique française, est tenu de tourner avec adresse. On sait en effet que le « bon » réalisateur a des intentions précises qu’il sait mettre en scène ; le critique est là pour les déceler et en faire prendre conscience à ses lecteurs. Le propos de la critique, comme le souligne Bazin,

« n’est pas de remonter le processus psychologique de la création» mais «d’aider son lecteur à s’enrichir intellectuellement, moralement et dans sa sensibilité, au contact de l’œuvre.[1] »

Développer les exemples serait inutile, les films étudiés faisant pratiquement tous partie de ces films d’auteurs, les critiques n’ont jamais été exemptes d’examens métaphysiques, psychologiques, symboliques ou autres. Il a bien fallu comprendre ce que recherchaient ces cinéastes, ce qu’ils voulaient dire ; le manque de connaissance sur ce septième art a finalement rendu l’analyse plus intéressante, en s’évertuant de cerner la mentalité japonaise à travers la psychologie des personnages et des situations.

 

A titre de modèles, quelques commentaires émis par des critiques donneront une idée de l’étude :

 

L’ambiguïté du personnage central, dans La vengeance d’un acteur, fournirait à lui seul, selon Cros, « un bon sujet pour deux ou trois thèses de troisième cycle : aspect psychanalytique, valeur culturelle, portée symbolique, référence aux philosophies orientales…[2] ». 

Le film de Teshigahara, La femme des sables est entièrement traversé d’un voile de suggestions métaphoriques et symboliques. Par la présence permanente du sable, le réalisateur joue de cet élément naturel pour représenter  l’homme face à la société.  Il fait « tinter ce trousseau de clefs métaphysiques, en comparant, … l’incessant combat contre les sables aux efforts dérisoires et nobles de l’homme contre les menaces d’anéantissement qui pèsent sur lui.[3] »

Quant à l’audace de Terrayama, elle se traduit dans la mise en scène de Jetons les livres et sortons dans la rue. Le film évoque certains problèmes politiques et psychologiques de la société dans les années 70 : ces évènements imposent au spectateur « une réflexion essentielle tournée vers la vie. [4]»

Mizoguchi  semble être à la recherche d’un signe, d’un symbole à travers l’écriture cinématographique. A l’image des idéogrammes japonais où le graphisme est plus représentatif qu’explicite,  Mizoguchi expose la réalité tout en la suggérant et en s’interrogeant sur l’expérience humaine. Ces personnages errent entre rêve et réalité, le cinéaste entre représentation et signification.

 

La situation des personnages chez Kurosawa n’est jamais innocente. Le cinéaste montre et démontre leurs conditions de vie pour établir une signification forte et évidente avec le spectateur. Par exemple, la folie du jeune conducteur de tramway dans Dodes’ kaden symbolise la communication dans toutes les acceptations du terme. Passek va jusqu'à écrire que Kurosawa compare le tramway imaginaire au « cinéma » : c’est pour lui un moyen de communiquer avec les spectateurs.[5] Dans Kagemusha, il propose une réflexion sur le pouvoir et la présence de la doublure du défunt chef de clan ; il suggère l’idée, selon Tesson que « le pouvoir n’a pas besoin d’exister, au sens d’avoir à se montrer, du moment qu’il a les moyens de se faire représenter.[6]»

Le cinéma d’Oshima est certainement davantage sujet à l’analyse psychanalytique. Les discours freudiens ne manquent pas, notamment avec L’empire des sens qui noue des relations étroites avec le sexe, la mort, la folie, la castration… Des thèmes dignes des grands philosophes de tous les temps. Le symbolisme des lieux  persiste à travers tous les films entre les espaces clos et ouverts ;  les personnages passent de l’enfermement sécuritaire caché à la réalité controversée de l’extérieur et du plein jour.
 

Dodes'kaden

 

L’exactitude de ces observations reste à démontrer ;
elles apportent cependant une nouvelle approche plus spirituelle mais exceptionnellement vaste.


 
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[1] « Réflexions sur le critique », article de Bazin, cinéma, n°32
[2] Cros, Revue du cinéma, n°338, avr 1979, p :132-134
[3] « Le trou », Cinéma, n°87, juin 1964, p :80-83
[4] Amiel, Cinéma, n°171, dec 1972, p:132-133
[5] Passek, Cinéma, n°193, dec 1974, p :108-110

[6] Tesson, Cahiers du cinéma, n°317, nov 1980, p : 48-50