L’exportation,
un remède utopique en période de crise

"Godzilla" de Inoshirô Honda 1954

 

Au Japon, dès 1959, la courbe de fréquentation des salles se mit à baisser considérablement, alors que les coûts de production augmentaient de 20%. Des concurrents sérieux, comme la télévision et le sport,  font du tort au cinéma. Quand Baroncelli demande en1967, à M. Fujimoto, responsable de la production à la Toho, quels sont les remèdes capables d’enrayer cette crise, celui-ci avoue :

«En fait, notre vraie planche de salut, maintenant que nos films ont de la peine à s’amortir sur le marché intérieur, serait l’exportation. Mais à l’exception des ouvrages primés dans les festivals, les films japonais se vendent mal hors de nos frontières. Notre langue, nos mœurs, notre style de narration, constituent un sérieux handicap. Et puis nous avons des complexes. Il est rare que nous produisions des films qui soient franchement à vocation internationale. Pourtant chaque fois que nous l’avons fait, et je ne parle pas seulement de nos films historiques, nous avons gagné de l’argent. Nos films de science-fiction, nos Godzilla ont été des succès [1]. »

 

Ces paroles résument assez bien la situation. Encerclé par sa propre culture, le Japon est freiné principalement par sa peur de l’échec à l’étranger et sa crainte que l’incompréhension dont il fait l’objet le tourne en ridicule…. Stratégiquement il est tenu d’exporter des films susceptibles de connaître un succès populaire ou critique, tout en étant rentables. Ce sont les films de science fiction qui tiennent le premier rôle et les films historiques le second.

Les producteurs se révèlent très méfiants et beaucoup trop prudents selon les critiques français qui attendent plus de diversité dans le choix des films. C’est ainsi qu’en 1967, M. Luigi Chiarini, justifie l’absence du cinéma japonais au festival de Venise, en expliquant que les films proposés  « ne constitueraient qu’une répétition fastidieuse qui n’ajouterait rien à ce que les réalisateurs japonais ont pu apporter dans le passé.[2] »
 
Le président de la Daiei avait fait part d’une étude pour déterminer le choix des films diffusés en Europe ; mais celle-ci tenait compte d’un budget limité, des tentatives précédentes infructueuses, et d’une volonté de regagner l’estime des étrangers à travers la découverte culturelle de leur civilisation.

Mais ce sont peut être les critiques et les jurés des festivals européens qui deviennent tout simplement de plus en plus exigeants ; limitant la sélection aux films de grands auteurs et faisant l’impasse sur les productions mineures. Cette partialité influencera sensiblement les distributeurs français qui, soucieux des bénéfices, vont être à l’écoute des critiques.

 

 

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[1] Le Monde,  « Un honorable malade : le cinéma japonais », n°7027
[2] Le Monde, n°7025, 15 août 1967