Ainsi, pendant la période de crise du cinéma japonais, les distributeurs préfèrent des valeurs sûres à rééditer comme les films de Kurosawa ou de Mizoguchi qui ressortent de nouveau en salle à la fin des années 70. Le jeu de la roulette russe et l’industrie du cinéma ne font pas bon ménage ! En attendant une plus grande stabilité artistique et économique du septième art nippon, les distributeurs n’hésitent pas à piocher dans des œuvres antérieures. Qu’importe l’année de sa réalisation, les cinéphiles seront toujours enchantés de découvrir un film de leurs maîtres à penser. (La légende du grand judo, Scandale, réalisés respectivement en 1943 et 1950, sortiront sur les écrans en 1979).
Il faut ensuite sélectionner les films en fonction de leur genre (Science-fiction avec les films de Honda et Fukuda, érotique…), de la renommé du cinéaste, (les films de Kurosawa et Mizoguchi n’ont plus besoin de passer dans des festivals dans les années 70 pour être distribués), et du talent de quelques avant-gardistes qui ont su dès les premiers films se faire remarquer ; il s’agit de Oshima et Ozu.
De nos jours, ces restrictions de distributions n’ont guère évolué : les festivals sont souvent des tremplins pour les jeunes recrues du cinéma, mais seul un succès critique ou populaire peut leur assurer une distribution à long terme. Ce procédé est flagrant pour les productions étrangères et notamment orientales. Sadoul, en a fait la remarque dans un article de 1961, à propos de L’île nue :
« Nos Champs-Élysées sont d’un affreux provincialisme quand il s’agit de films étrangers (non américains) [2]. »
Les films chinois et surtout indiens ont subi le même « affront ». Peu d’élus parmi une production importante. Le caractère exotique et insolite de ces films est-il à l’origine de ce refoulement ? Doit-on cette censure à l’abondance de films américains qui apportent déjà avec eux leur lot de stars et de spectaculaire ?
Les principales raisons de cette exclusion ne viennent pas directement de la responsabilité des distributeurs eux-mêmes. Le coût à investir pour exporter ce genre de films est considérable. Chacun d’eux nécessite un investissement principalement dû aux sous-titrages et au manque de traducteurs spécialisés ( jusqu’en 1980 il n’existe pas de Version Internationale pour doubler les films japonais). Cela donne des versions négligées, bâclées et mal doublées, comme on l’a déjà vu auparavant.
D'autre part le manque de réseaux de diffusion soumet les films à une sortie exclusivement parisienne, ce qui, du même coup, réduit considérablement le nombre d’entrées possibles. Enfin, les systèmes d’aide du CNC n’étant pas encore mis en place à cette époque, ils sont encore entièrement dépendants du choix des spectateurs. Le manque de curiosité avéré du public français ne facilite pas la fidélisation.