Une exploitation avisée

 


Il faut savoir être « bon calculateur » et opportuniste pour sortir un film au moment le plus adéquat. Le chroniqueur Courant signale à ce sujet que le film de Oshima, Nuit et brouillard, « n’aurait pas fait un sou en 1960, à l’époque de sa réalisation, ni encore moins dix ans plus tard où la précision du regard n’aurait pas pu être perçue, tant, dans ces années là, on était aveuglé par l’utopie révolutionnaire […][1] » le film fut finalement distribué en 1980.

Ainsi plusieurs facteurs peuvent rentrer en ligne de compte selon les périodes de l’exploitation d’un film. Comme nous le verrons plus tard, les contextes de diffusion sont des clés fondamentales dans la réception du cinéma japonais en France.

La fidélité chronologique n’a pas d’importance : un film peut sortir 14 ans après sa réalisation uniquement parce qu’il traite d’un sujet plus contemporain. En 1966, Vivre de Kurosawa avait plus de possibilité d’intéresser un public qu’en 1952.

Si ce système sélectif fait désormais partie du cinéma en tant qu’industrie, en ce qui concerne le cinéma japonais, il est particulièrement mesuré. Le système américain basé sur les « stars-acteurs » et les « stars-cinéastes », manque d’efficacité dans le cas du cinéma japonais. De même, l'ignorance concernant les productions nippones va entraîner une sélection réduite au minimum et plutôt hasardeuse. 
 
Les critiques déplorent ouvertement ce genre d’exploitation chaotique et contrôlée, mais n’est-ce pas une stratégie de la part des distributeurs ?Une diffusion réduite pour ne pas lasser les critiques des « japonaiseries », mais aussi par peur d’adresser un film qui ne remportera l’adhésion ni du public, ni des critiques, et surtout la crainte que la mode nippone ne face plus du tout recette !… Cette « privation » attise la curiosité et les élans de ferveur. Les cinéphiles et les critiques de l’époque ne sont-ils pas des sortes de paparazzi à l’affût de ce qui est rare ? En tant que « collectionneurs », l’objet recherché doit être déniché, soit dans une petite salle d’art et essai, soit lors de festivals ou de symposiums

 

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[1] Courant, Cinéma, n°255,mars 1981, p : 90-91